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2014-11-24T18:04:19+01:00

34 ans plus tard jour pour jour

Publié par Geneviève Soler
34 ans plus tard jour pour jour

Samedi soir, je gardais la fille de ma fille Mélanie, prénommée Laura, qui a eu 2 ans le 12 novembre.

Écrire ces lignes me coûtent haut plus haut point car c'était le jour anniversaire de Mélanie. Elle vient d'avoir 34 ans.

Je ne pensais pas, samedi 22 novembre 1980, que je tiendrais dans mes bras, samedi 22 novembre 2014, l'enfant de mon enfant, si conforme à son image.

Je m'en suis rendue compte en cherchant des photos. Je suis tombée sur ce cliché de nos vacances en Corse. Mélanie avait 2 ans et quelques mois, et elle me tendait un escargot. Elle a toujours aimé ramasser les escargots. A cette époque, j'étais une jeune femme de 24 ans, mal assurée dans tous les sens du terme : manque de confiance en général, mari défaillant, non protecteur, en quête d'amour maternel. Notre couple a capoté dans l'année qui a suivi.

Si je me sens si émue, c'est parce-que la naissance de cette enfant était un passeport pour la vie que je me délivrais. Elle était plus qu'une naissance, elle était un laisser-passer.

Cependant, je ne savais pas que les heures de plénitude que j'avais vécu durant mes 9 mois de grossesse, allait laisser un tel vide ensuite, un vide encore plus grand qu'avant, une plus grande place pour la mélancolie. Je crois bien avoir passé le cap de la désespérance.

Tout d'abord, je suis rentrée à la maternité à 5 h 30 du matin. Son père avait décrété que c'était trop tôt et que, de plus, c'était un samedi, le début de deux jours de repos, pour le fonctionnaire chronique qu'il est encore.

J'avais mis ma plus belle robe, je m'étais maquillée, je voulais être belle pour elle. Devant mon insistance, mon mari s'est donc décidé à sauter dans un pantalon, puis au volant de sa voiture, pour nous conduire toutes les deux, devant la porte de la maternité :

Ding-dong !

" Oui ! " me dit la sage-femme épuisée, qui vient d'ouvrir.

"Je viens pour accoucher ! " lui dis-je, avec un air guilleret.

" Avec la tête que vous avez, çà m'étonnerait ! "

"Mais oui, mais oui, je vous assure, j'ai compté mes contractions, elles sont très rapprochées ! N'est-ce pas A..." ce n'était pas la peine de continuer, mon vaillant époux était hors service, pas prêt à suivre les événements.

" Mon médecin de famille a dit que vous l'appeliez dès mon arrivée car il s'occupe de moi depuis mes 6 ans, et comme il est aussi accoucheur, il veut être le premier informé. "

" Mais vous croyez que l'on dérange les médecins comme çà ? Le samedi ? À 6 heures du matin ?? " Rétorque la sage-femme à bout de nerfs.

" Oui mais c'est lui qui m'a dit... ",lui répondis-je avant d'être interrompue.

" Écoutez ma jeune dame, c'est bien parce-que j'ai fini mon service, je vais donc vous ausculter, sinon je vous aurais demandé de repasser vers 11 h ! "

"…............... "

"Ha non ! Vous n'allez pas vous mettre à pleurer en plus ! Déshabillez vous...oui...bon....mumm...le col est dilaté à....bon....le bébé est haut....Bon....je vous garde....Je vais faire préparer une chambre et appeler le médecin....çà va mieux ?.... " Me dit-elle radoucie, consciente de l'énorme boulette qu'elle aurait fait en me renvoyant chez moi.

« Voilà, j'ai appelé votre médecin, il arrive, bon je pars, c'est ma collègue qui va s'occuper de vous. À lundi madem....Heu....madame. »

Une fois installée dans la chambre, mon époux a trouvé un coin de table très confortable, a posé se fesses sur une chaise aussi confortable, pour entamer un sommeil diurne qui dura jusqu'à....11 heures du matin, l'heure à laquelle on le réveilla pour lui annoncer que SON enfant serait bientôt là.

Pour ne pas rester seul devant cette épreuve, il eut la désastreuse idée d'appeler mes parents qui devaient partir en Espagne. Ils annulèrent illico-presto leur voyage pour venir assister à l’événement. Bien entendu, personne ne m'a demandé mon avis, ni si les contractions me faisaient souffrir, ni si les méchantes douleurs que je ressentais dans les membres ne pouvaient pas être une méchante chute de calcium, etc etc etc. J'ai fait fi de tous ces satellites qui me pourrissaient la vie depuis une bonne vingtaine d'années déjà, mais comme je leur « devais la vie », je supportais....jusqu'à ce jour.

Sauf, qu'en cet instant, c'était moi qui donnait la vie, je réalisais soudain que c'était ce petit être qui poussait pour voir le jour, et dont je ne connaissais pas encore le sexe, qui me faisais un beau cadeau pour avoir choisi mon ventre. Il n'était pas à moi, j'étais à lui. Un être de plus à qui j'appartenais. (Et moi alors ? Aujourd'hui encore je n'ai pas la réponse.)

quand la nouvelle sage-femme m'a dit : « on y va ». Je me suis levée et j'ai marché jusqu'à la salle d'accouchement. Au moment de monter difficilement sur la table, je regardais mon mari et je lui demandais : « tu es sûr Alain que tu veux assister ? Tu ne préfèrerais pas rester dans le hall avec mes parents? » La venue imminente de mon enfant ne m'angoissait pas, son teint, oui, et j'avais raison. Une fois déguisé en chirurgien, ne voilà-t-y pas qu'il fut pris d'un malaise. Je me suis retrouvée seule, prisonnière de ma position inconfortable, prise d'une angoisse folle de sentir mon enfant glisser entre mes cuisses et tomber parterre.

J'ai donc hurler : "Au secourssssssss !!!!!!!!!!!!!!!! "

Mais quelle bande d'abrutis ! Toute l'attention était focalisée sur cet être fragile et inconsistant que j'avais épousé en octobre 1979 : un mètre 82 surmonté d'une belle gueule. Une enveloppe vide en fait.

Ensuite le petit monde médical est revenu vers nous. ha...quand même !...

les dés étaient jetés : fille ou garçon ? J'avais parié que c'était une fille : fille, Mélanie ; garçon, Mickaël....Bingo ! FILLE !!!!! j'avais gagné. Elle est venue au monde à 12 h 30.

Je pensais avoir un peu de temps de tranquillité pour savourer les présentations réciproques avec mon petit bout de femme, mais que nenni ! ma minuscule chambre s'est rapidement transformée en lieu de rencontres, où les grands- parents se sont racontés les ressemblances avec leurs propres enfants, passaient par dessus mon lit pour atteindre mon tout petit bébé, lui toucher le coin de sa toute petite bouche pour lui arracher une risette LA PREMIÈRE !!!! puis sont arrivés, les tontons, les tatas, les cousines, les cousins, la smala des deux bords. Pieds-noirs et Corses, voilà un beau mélange pour foutre une belle pagaille autour du lit d'une nouvelle accouchée. Je ne savais plus ce que je devais faire, ni dire, je constatais seulement que je n'osais pas me lever car je sentais bien que quelque chose de chaud et de mouillé se trouvait sur mes draps, juste sous moi, là où j'étais ni assise ni allongée. Puis le gong a sonné, à 18 h 30 une sage-femme à fait irruption dans ma chambre, elle poussa un cri: "mais que fait tout ce monde ici ????mais il faut aérer....Mais....Mais...vous faîtes une hémorragie ! Vous ne pouviez pas sonner ? ....Sortez !!!!!!!!!!!! tout le monde dehors !!!!!!!!!!! les visites sont terminés."

Ouf ! merci madame. Je pus à 20 h 30... comptez les heures depuis 12 h 30, prendre enfin mon petit enfant dans mes bras. Nous nous sommes regardées longuement dans les yeux, cet instant était enfin le nôtre. Dans son premier regard j'ai cru voir un reproche, je me suis sentie très mal à l'aise. Là non plus je ne savais pas que les choses se passeraient de cette manière. Cela aurait pu être si beau pourtant. Je ne savais pas non plus, qu'elle et moi, à cause de tous ces gens au sens de la propriété très aigüe, allaient se mettre sur le chemin de notre relation pour te revendiquer comme étant leur chose. Pour moi tu étais déjà un être humain.

Laura, 2 ans.

Laura, 2 ans.

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