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2014-11-19T16:35:56+01:00

Une blessure utérine à cicatriser

Publié par Geneviève Soler

Il s'agit d'un vieux sentiment, d'une plaie profonde, ancienne, ancrée dans mes profondeurs intimes. Si j'ai largué mes amarres depuis, si j'ai pu quitter ce port, il m'a fallu tout de même 40 ans. J'ai remonté l'ancre qui me tenait prisonnière de cette terre lointaine, de cette terre de chair et de sang au fondement de mon être, jusques là sans douleur, sans erreur.

Je ne savais pas, ce n'est pas ce que je voulais. Puis, le béant a saigné. Il s'ignorait jusques là, il dormait, enfoui dans les rêves d'une petite fille qui grandirait trop vite. Rien ne serait plus comme avant désormais ; elle n'était pas femme, mais elle n'était plus une enfant, juste une poupée disloquée aux reins brisés.

Il fallut se réveiller, se secouer, se rendre compte que la réalité n'était que ce qu'elle était, et pour toujours. Il ne restait plus qu'à se voiler la face, qu'à faire semblant pour que personne ne sache, surtout pas Papa. Et puis les années ont passé, comme dans un cauchemar, un temps long, beaucoup trop long pour la petite fille qui n'en finissait pas d'oublier, qui n'en finissait pas de dupliquer les malentendus dans un laet-motiv infernal : « ce n'est pas ce que je voulais. » et puis, le cri de douleur, a été le plus fort ; la déferlante a eu raison de la raison absurde, elle a tout emporté sur son passage : le bon comme le mauvais. Ce fut un saccage, une révélation fracassante. À qui porter cet aveu si ce n'était au père de mes enfants, à qui ?

J'ai tenté, j'ai perdu.

Il m'a traitée de menteuse, m'a accusée de salir la mémoire de mon père que j'accusais de ne pas avoir su me protéger.

« Comment, toi, mon mari, as tu pu douter de ma parole ? J'ai pleuré, j'ai hurlé, pour que tu entendes ma douleur lointaine, pour que tu comprennes l'injustice qui m'avait été faite. J'aurais tant voulu que tu me prennes dans tes bras, j'aurais tant voulu que tu me donnes cette consolation si longtemps attendu ! Mais non, tes bras sont restés fermés, ton doigt s'est pointé vers moi, ton regard est devenu plus méprisant encore. Dieu que tu m'as mal aimée ! Dieu que tu m'as désaimée ! Dieu que tu m'as méprisée !»

Mais le temps a passé, depuis mes 40 ans, 15 années de plus, et aujourd'hui, c'est moi qui te méprise. Dieu que je te plains ! Tu n'as rien compris, tu ne me méritais pas, pas plus que tu ne mérites ces beaux enfants que je t'ai donnés. Mais je ne sais plus si je l'ai fait pas amour ou par désespoir. Aujourd'hui, tout cela n'a plus d'importance. La blessure utérine est devenue une cicatrice propre et indolore, juste perceptible aux yeux de mon âme consolée.

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