Mazet: mon silence et ma voie

Je dois réinvestir mon lieu

Je ne veux pas dévoiler ce lieu qui est moi. Je ne veux pas non plus le donner à voir. Je veux juste l’effeuiller comme une femme trop vêtue, habillée par des décennies de torpeur.

Je regrette juste cette cicatrice rouge qu'il porte, blessure portée sur lui il y a quelques années. Parfois, en voulant réparer, on empire, on dégrade le beau pour mettre du neuf, et l'authentique s'évapore. Il ne demandait rien mon mazet planqué dans sa colline. Il ne se plaignait pas de ce mur qui ne menaçait personne avec sa fissure beaucoup trop large.

Je me suis trompée de regard, je ne me suis pas fait confiance,et j'ai laissé l'homme porté sa main sur cet édifice centenaire.

Il n'intéressait personne mon mazet planqué derrière ses chênes et habité par des ronces. J'aurais juste dû écouter ma voix intérieure comme j'ai écouté mon songe qui m'a amenée jusqu'à lui.

Je pensais ce lieu fait pour abriter les rires de mes enfants, je croyais qu'il existait pour voir mon mari partir à la chasse. Il ne reste qu'une cicatrice, rouge et rugueuse, qui remplace un mur antique de pierres sèches. Elles gisent là désormais, depuis trop longtemps déjà.

J'ai cru en la parole d'un homme qui m'a dit vouloir rénover ce lieu pour nous: tant d'années de promesses stériles...tout çà pour en arriver là...

Aujourd'hui, 15 ans plus tard, je me rends dans ce lieu, seule le plus souvent.

Je sens rôder autour de lui un danger, comme une volonté de vouloir me voler ce qui est à moi et je me sens impuissante à gérer ce bout de colline qui est mien. Je l'aime d'une manière sauvage et étrange.je l'aime avec mon ventre.

J'espère qu'un jour il me sera rendu tout ce qui m'appartient.