J'ai décidé de lui rendre sa liberté - Le journal de Geneviève Soler

En 2008, je suis allée en Algérie, ma terre natale. Là-bas, j'ai été accueillie par une famille de Tlemcen. Majid, Saliha et leurs trois enfants ont été très gentils avec moi. J'ai pu grâce à eux, marcher dans les rues de la ville où j'ai vu le jour: Oran. J'ai pu aussi partager des moments de tendresse et d'accolades, des instants de chaleur humaine sans être considérée comme une amputée de l'amour, une tarée gouvernée par son affect. J'ai été embrassée chaleureusement comme j'ai embrassé chaleureusement. Nous partagions les mêmes codes.

Ici en France, il me semble que les sentiments sont tenus à distance.

Là-bas, dans un village appelé Khémis, Saliha a trouvé une petite tortue. Elle l'a prise et me l'a tendue, et tout en souriant, elle m'a dit: "c'est pour toi."

J'aurais dû refuser sans doute et lui dire que les animaux nés dans la nature, devaient rester dans leur élément. Je n'ai pas osé. Je pensais que Saliha la garderait dans son jardin, que je pourrais faire semblant d'oublier, mais le jour de mon départ elle a rangé la tortue dans mon bagage à main, celui qu'elle m'a offert et dans lequel elle avait placé des gâteaux.

Je savais qu'il était interdit de transporter des tortues, mais je n'ai pas su lui dire non. Alors, j'ai pris la décision de la placer dans ma valise, celle qui allait dans la soute. Je craignais qu'elle meure, mais je craignais encore davantage d'être fouillée à la douane.

J'ai eu beaucoup de chance.

En arrivant chez moi, elle devint captive d'un tout petit enclos, comme je le redoutais tant. Ce n'est pas ce que je voulais pour elle, comme ce n'est pas ce que je voulais pour moi. Notre jardin était suffisamment grand pour lui accorder un espace plus généreux avec de l'herbe. Là non plus je n'ai rien osé dire, j'ai laissé faire. Les années ont passé. Elle a hiberné souvent. Elle a réapparu à chaque printemps. Depuis ce printemps, ma tortue doit défendre son territoire car le chat de Sophie l'embête. Alors, elle l'attaque et le mord. Ceux qui sont restés dans la maison que j'ai quittée, se rit de cette situation cruelle, j'ai donc décidé d'agir.

Comme pour ceux qui est à moi et que je n'ose pas encore récupérer, je suis allée chercher Pénélope, c'est son prénom. J'ai eu le sentiment de l'avoir volée.

Depuis lundi, elle habite sur ma terrasse. Ce qui m'embête, c'est que la chat de ma voisine vient parfois. J'ai peur qu'il lui fasse du mal. Je cherche un zoo qui voudrait la recueillir auprès de ses congénères. Elle pourrait ainsi se reproduire.

J'aurais dû dire NON en 2008 à Saliha mais je n'ai pas osé...

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